Malgré plusieurs infirmations obtenues par mes soins en 2014 de jugements du Tribunal de Grande Instance de Nantes ayant refusé de reconnaître des adoptions plénières prononcées au Nigéria (dans plusieurs états différents), le Tribunal de Grande Instance a continué à refuser d’admettre l’existence d’adoptions plénières au motif notamment que les enfants concernés ne se seraient pas vu établir d’actes de naissance avant leur adoption et que celle-ci serait selon les autorités françaises révocable. Les précédents arrêts de la Cour d’Appel de Rennes n’avaient pourtant pas fait l’objet de pourvoi en cassation de la part du Procureur Général près la Cour d’Appel de Rennes, ce qui donnait raisonnablement à penser que l’analyse de la Cour était partagée par le Procureur Général et serait donc admise par le Procureur de la République de Nantes. Il n’en a rien été à ce jour.
Par deux arrêts en date du 20 janvier 2015, j’ai dû à nouveau obtenir de la Cour d’Appel de Rennes que des adoptions prononcées au Nigéria soient reconnues comme ayant en France les effets d’une adoption plénière alors qu’elles n’avaient été reconnues que comme des adoptions simples en première instance.
S’agissant de la régularité des jugements d’adoption nigérians, reprenant l’argumentation que j’avais développée, la Cour a tout d’abord rappelé que les juridictions françaises n’avaient pas le pouvoir de réviser au fond les jugements étrangers, c’est-à-dire de recommencer la procédure d’adoption comme si celle-ci n’avait pas déjà été prononcée à l’étranger. Cet examen des décisions étrangères sur la base des règles de l’adoption française, pourtant clairement condamné par la Cour de Cassation et la Cour d’Appel de Rennes, est pourtant une habitude du Procureur de la République et du Tribunal de Grande Instance de Nantes (que je ne désespère pas de leur faire perdre très prochainement), qui semblent à ce jour ignorer que les règles applicables lorsqu’il s’agit de prononcer l’adoption d’un enfant étranger en France ne sont pas du tout les mêmes que celles applicables lorsqu’il s’agit de reconnaître en France une adoption déjà prononcée à l’étranger.
La Cour d’Appel de Rennes a également noté que l’absence d’acte de naissance avait été expliquée par les juridictions nigérianes, qui avaient constaté que « ni la date précise de naissance, ni le lieu d’enregistrement de la naissance de l’enfant n’ont pu être prouvés, mais qu’il était prouvé à la satisfaction du tribunal que l’enfant est bien celui ayant été enregistré sous le numéro d’ordre (…) au registre des naissances ». Elle a également constaté que la procédure d’adoption était validée par les ministères compétents au Nigéria et que les autorités françaises savaient parfaitement « que les autorités nigérianes ne délivrent pas d’acte de naissance d’origine à un enfant dont les parents sont inconnus », de sorte qu’il « n’y a pas lieu de déplorer l’absence d’un acte qui n’est pas établi dans de telles circonstances ».
Constatant par ailleurs que les juges nigérians avaient bien compétence pour prononcer les adoptions considérées et qu’aucune fraude à la loi n’était établie dans ces dossiers, la Cour d’Appel de Rennes a jugé qu’il y avait lieu de considérer que ces jugements étaient réguliers et devaient donc être reconnus en France.
S’agissant de leurs effets, la Cour d’Appel de Rennes a pu constater qu’un consentement impliquant « bien rupture avec la famille biologique, inconnue en l’espèce » avait été donné par les tuteurs des enfants et que, contrairement à ce qu’avaient soutenu le Procureur de la République de Nantes, suivi en cela par le Tribunal de Grande Instance de Nantes, puis le Procureur Général près la Cour d’Appel de Rennes, les juridictions nigérianes avaient bien prononcé une « décision irrévocable de justice ». Après analyse de la loi nigériane que je lui avais soumise, elle avait en effet pu constater que l’adoption nigériane était tout aussi irrévocable que l’adoption plénière française, contrairement à ce que les autorités administratives françaises soutiennent, y compris sur le site officiel du ministère des affaires étrangères, suivies jusqu’à ce jour à tort par le Procureur de la République et le Tribunal de Grande Instance de Nantes.
Les jugements contre lesquels un appel avait été formé ont donc été infirmés, deux adoptions plénières ont été reconnues et le Trésor Public a été condamné à payer des frais de procédure aux familles.
Il faut souhaiter que d’autres familles pour lesquelles je suis actuellement saisi, pour le Nigéria mais aussi pour d’autres pays, n’auront pas besoin d’aller elles aussi en appel pour faire reconnaître leurs droits et ceux de leur(s) enfant(s).